Spoiler:

Cela faisait déjà un moment que je trainais dans la forêt. Il était rare que je m’y balade en plein jour, sauf quand j‘avais besoin de plantes en particulier pour réaliser des sortilèges. Mais les chasseurs avaient une forte tendance à sortir la nuit, et c’est donc à ces moments là que moi-même je sortais pour leur donner la chasse. Mais aujourd’hui, mes intentions étaient bien différentes. Pas de chasseurs, ni de plantes. J’étais en mission de surveillance. Que pouvais-je bien avoir à surveiller dans les bois me direz vous ? Eh bien, j’avais remarqué, quelques jours plus tôt, que l’on avait une bonne vue sur le jardin privé de la maison de Devon - je vais continuer de l’appeler comme ça, à défaut de savoir son vrai nom - et de sa prostituée loup-garou. Alors dissimulée à l’ombre des arbres, j’avais trainé autour de chez eux sans jamais me montrer, utilisant les sens surdéveloppés dont m’avait doté ma nature de vampire pour essayer de surprendre une conversation entre les deux habitants de l’appartement, ou bien voir quelque chose qui pourrait me donner un quelconque indice sur ce qu’il se passait dans cette maison. Au final, j’avais passé mon temps à observer Devon se prélasser au soleil. Ennuyeux. Et je n’avais rien vu ni entendu d’intéressant et avais fini par perdre patience. La loup garou ne semblait même pas être là, alors à moins que Devon ne se mette à parler tout seul - et après tout pourquoi pas, il était bien assez dérangé pour ça - je n’apprendrai rien aujourd’hui.

Je me décidais donc à rentrer chez moi et, pas décidée à prendre mon temps, un peu agacée d’avoir fait choix blancs - encore - je me mis à courir « vitesse vampire » si bien qu’un humain, même champion de sprint, serait bien incapable de me rattraper. Je restais tout de même attentive à ce qui se passait autour, ne souhaitant pas croiser un humain alors que je me déplaçais à une vitesse pareille, mais pendant un moment, je n’entendis ni ne sentis rien d’autre que la vie de la forêt, paisible. Quand soudain, je détectais une présence. Je priais intérieurement pour qu’il ne s’agisse pas de l’amie de Devon. Je n’étais pas d’humeur pour une confrontation avec elle, et pourrait très rapidement perdre patience. De plus, j’aurais l’avantage étant donné que ce n’était pas la pleine lune. Mais je ne devais pas lui faire quoi que ce soit. Elle pourrait m’être utile pour en savoir plus car si elle ne rentrait jamais chez elle, je n’aurais plus aucune conversation à surprendre entre elle et Devon et devrait bêtement attendre qu’il se décide à parler tout seul, ou bien à me chercher pour se venger. Pas que l’idée me déplaise, mais j’avais besoin d’en savoir plus avant. Probablement mon instinct de conservation qui faisait des siennes.

Je m’arrêtai net, tendant l’oreille quand j’entendis un bruit de chute, à quelques mètres de là. Ce n’était de toute évidence pas un chasseur - ou alors, il était très mauvais. Je pris donc le risque de m’approcher de la jeune femme qui était en effet tombée, s’étant probablement emmêlé les pieds dans une racine. Je n’avais pas besoin de rester sur mes gardes, ce n’était qu’une adolescente. 17 ou 18 ans, tout au plus. Je décidais donc d’aller lui donner un coup de main. A défaut d’avoir avancé dans mes recherches sur Devon, j’aurais au moins fait ma bonne action de la journée.

Arrivant auprès d’elle, je dis donc, lui tendant la main pour l’aider à se relever « Tu veux un coup de main ? » Je m’étais permis directement de la tutoyer, après tout en apparence, je n’avais plus vieille qu’elle. En réalité, je l’étais beaucoup plus, mais ça elle n’avait pas besoin de le savoir. Il y avait déjà trop de personnes au courant de ma nature de vampire en ville à mon goût. Quand elle eut saisi ma main, je l’aidais sans mal à se relever avant de lui demander. « Rien de cassé ? ». Une odeur de sang me parvenait aux narines, mais elle s’était surement simplement égratignée en tombant. Rien d’assez important pour me faire perdre le contrôle, depuis le temps j’avais l’habitude et je gérais la soif de sang assez aisément.

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J’étais vraiment tombée bêtement. Je remuais légèrement mes membres, histoire de vérifier si je ne m’étais pas fait vraiment mal. Soudain j’entendis des bruits de pas. A peine je commençais à relever la tête qu’une femme, brune, se tenais debout devant et me tendait la main.

Je lui lançais un regard méfiant, avant de lui attraper la main et de murmurer un « merci ». C’était elle que j’avais vu dans ma vision. Et son visage était flou. Ce qui veut dire que soit elle allait tellement vite que je ne pouvais pas voir son visage et donc c’est un vampire soit c’est une sorcière et elle envoie un genre d’ondes qui brouillent mes visions. En tout cas elle était forcément plus qu’humaine.

Cette fille était vraiment belle. Elle avait des cheveux vraiment magnifiques et un visage parfait. Je me rappelle que vers mes 13/14 ans, je me souciais beaucoup de mes cheveux et de mon visage. Heureusement cette phase pseudo-superficielle m’était passée. Aujourd’hui on me considérait plutôt comme… une hippie ?

Je sais, c’est un début de conversation vraiment nul ! Bon en même temps il faut bien connaître le nom de quelqu’un avant d’établir un lien non ? Mais j’avoue que j’avais manqué d’inspiration sur ce coup là. D’habitude j’étais quelqu’un de créative. Je peux écrire une chanson en quelques heures ! Mais j’dois admettre que le théâtre n’est pas mon fort. Façon, entamer une discussion n’est pas mon fort. Je suis douée pour rester seule, faire des photos, chanter ou me battre pour sauver les baleines. Mais pour parler aux gens je suis vraiment nulle ! Je hais la timidité.

Valait mieux que je me taise. Si je continuais à parler, cette fille me prendrait définitivement pour une folle. Je me mis à sourire stupidement, ce que je faisais à chaque fois que je me sentais gênée ou que je ne savais plus quoi dire.

Spoiler:

Être humaine me manquait parfois… Souvent. Bon, pour un vampire, je ne m’en sortais pas trop mal. J’avais ma bague, qui me permettait de sortir en plein jour, le collier de ma mère qui me permettait d’utiliser la sorcellerie… Je pourrais être plus mal lotie. Et aussi longtemps que je ne manquais pas de sang, mon corps fonctionnait normalement. Mais le problème, c’est le côté « immortel ». L’éternité, c’est bien joli, mais après trois siècles, ca commence à faire long, surtout quand on passe ces trois siècles à regretter sa vie d’avant. Fort heureusement pour moi, je savais m’occuper afin de ne pas trop repenser à tout ça. Le passé était le passé, je ne pouvais plus rien y faire maintenant de toute façon. Même si j’aimerais pouvoir revenir en arrière et tout réparer. Alors je devais me concentrer sur des problèmes actuels, et pour le moment, c’était toute cette histoire concernant Malin qui occupait mon esprit. Ca, et la frustration qui en résultait.

Pourquoi n’arrivai-je à rien savoir sur ce Devon ? Tous les sortilèges que j’avais utilisé s’étaient avérés vains, aucun résultat, rien du tout. Je ne voulais pas passer à une méthode trop agressive, je devais tout de même éviter de trop me mettre à dos sa loup garou de petite amie/garde du corps. J’étais peut être en sécurité sur ce point pour l’instant, mais à la pleine lune ce serait une autre paire de manche. Je devrais penser à prévoir quelques sorts de protection, et un bon stock d’aconit… On ne sait jamais, ça peut servir en cas de visite impromptue de loup-garou à la prochaine pleine lune. Machinalement, je jetais un coup d’œil autour voir si je n’en voyais pas, mais je n’en vis pas. J’en chercherai plus tard, sinon la jeune fille que je venais d’aider à se relever - qui m’avait d’ailleurs jeté un regard suspicieux avant d’accepter mon aide - allait me prendre pour une espèce de… Folle. Ou cinglée, aliénée, dérangée… j’avais eu droit à tout genre de qualificatifs ces derniers temps. Je n’étais plus à ça près.

Saisissant finalement ma main, la jeune fille se releva, me remerciant au passage. Lorsque je lui demandai si elle n’avait rien de cassé, elle me répondit : « Euh, non ça va merci » tout en examinant ses mains. « Quelques égratignures, ça va aller. » je me contentais de lui répondre par un sourire. Je l’avais senti. Mais ça, bien sur, je n’allais pas lui dire. Mieux valait éviter qu’elle ne se barre en courant en criant au vampire. J’avais déjà donné dans la chasse aux sorcières en 1692, j’aimais donc autant éviter que ça n’arrive à nouveau. Sauf si c’est moi qui le cherchait quand j’allais m’en prendre aux chasseurs locaux, bien sur, mais là c’était différent, parce que c’est moi qui faisait les règles. Et que je gagnais à chaque fois.

« Je m’appelle Keila. » Ajouta-t-elle. Heureusement qu’elle y pensait, car comme d’habitude, j’aurais oublié. Ca n’aurait pas été la première fois. J’avais tellement l’habitude de cacher ce que j’étais, qui j’étais, ce que j’étais, que j’en oubliais souvent les bonnes manières. « Enchantée Keila. Moi c’est Thaïs. » répondis-je donc avec un sourire, me présentant à mon tour. La première fois ou j’avais changé mon identité, j’avais eu du mal à m’y faire. Maintenant, c’était machinal. Violette semblait si lointaine, si différente de ce que j’étais aujourd’hui qu’utiliser cet autre prénom était devenu naturel.

« J’aime bien me balader dans la forêt. J’aime la nature. » ajouta-t-elle, apparemment mal à l‘aise, comme si elle voulait justifier sa présence. Elle avait pourtant parfaitement le droit de venir en forêt, et n’avait en aucun cas besoin de se justifier. Bon, il valait mieux qu’elle se méfie, on ne sait jamais qui on peut croiser dans les bois, et avec la maison de Devon et sa louve au mauvais caractère, mieux valait être prudent. « Je comprends tout à fait pourquoi. C‘est… Paisible, reposant…  » Répondis-je avec un sourire, voulant essayer de la mettre un peu plus à l’aise. J’adorais également la nature. J’avais grandi tout près des bois, et m’y rendais souvent durant mon enfance pour aider ma mère à ramasser des plantes dont elle pourrait avoir besoin pour pratiquer la magie, et était du genre à ramasser tous les animaux blessés que je trouvais pour essayer de les soigner. Ma mère - et ce n’était pas la seule - disait souvent que les sorcières étaient les servantes de la nature. Elle pouvait renforcer nos pouvoirs, comme les affaiblir, et à cette époque, les gens respectaient beaucoup plus la nature qu’aujourd’hui. C’était un miracle qu’on puisse encore trouver des forêts dignes de ce nom avec l’ampleur que prenaient les villes.

Ce que j‘ajoutai ensuite viendrait peut être un peu casser l‘effet recherché par mes propos précédents. Mais tant pis. « Mais tu devrais être prudente, et éviter de quitter les sentiers. Il se passe des choses… bizarres, dans le coin. » Dis-je, jetant un regard circulaire autour de nous, tendant machinalement l’oreille, ayant apprit au fil des décennies à être sur mes gardes. Mes paroles n’étaient en rien menaçantes cependant, je n’étais pas méchante. Enfin, ça dépendait d’avec qui, mais je n’avais pas la moindre raison de me montrer sous mon plus mauvais jour avec la jeune Keila. je n'étais pas du tout du genre à attaquer une fille qui se balade bien tranquillement en forêt, même si je n'étais pas toujours très... fréquentable, dirons nous.

L’année de mes douze ans, j’étais partie en vacances avec ma classe. Nous n’étions pas allés bien loin, nous avons juste traversé l’Angleterre, c’était un voyage instructif. Ma mère m’y avait bien sur inscrite. Mais je voyais ça comme un fardeau. Me retrouver pendant une semaine entière avec des fils et des filles à papa, très peu pour moi. Cette semaine fut un cauchemar. Mais un jour, alors qu’on faisait une randonnée, je m’étais perdue dans les bois. La plupart des autres jeunes auraient paniqué, et auraient probablement demandé à leurs parents de faire un procès aux professeurs. Mais ce moment, seule dans cette grande étendue d’arbres, de fleurs, d’animaux, m’a apaisée. Je me sentais paisible, enfin libre.

Alors je comprenais absolument ce que voulais dire Thaïs lorsqu’elle me répondit : « Je comprends tout à fait pourquoi. C‘est… Paisible, reposant… ». J’étais tout à fait d’accord avec elle. Etre seule dans une immensité d’arbres était vraiment reposant. On se sentait déconnecté du monde. En totale liberté. Comme si nous étions seuls au monde, maîtres de notre destin.

Mécaniquement je fis un petit pas en arrière. Je sais c’est ridicule. Je savais tout à fait de quoi elle parlait. Elle parlait des vampires, des sorcières et des loups-garous. J’étais donc maintenant sûre qu’elle était au courant que le surnaturel existait. Ce qui me gênait dans sa question c’est ce qu’elle sous-entendait. Il n’y avait quand même pas tant de surnaturel à Coventry, si ? Pourtant c’est une petite ville. Quoiqu’en y réfléchissant, dans toutes les séries et les films de surnaturel, l’histoire se passe dans une petite ville. Cependant je ne pensais quand même pas me retrouver dans cette situation. Perdue dans une ville remplie de vampires rôdant la nuit, de loups-garous se transformant à la pleine lune et de sorcière expérimentant leurs sortilèges.

J’avoue que j’étais fan de tout ce qui touchait au surnaturel. J’étais fascinée par les sorcières surtout. J’aurais tellement préféré être une sorcière plutôt que Medium. Mais bon, Medium c’est cool dans un sens. Heureusement que mes visions ne sont pas comme celles d’Alison Dubois de Medium, les miennes ne sont que de petits flashs, je n’ai pas l’impression de vivre mes visions. Enfin peut-être qu’elles vont évoluer avec le temps. Je ne sais pas. Je ne sais rien sur mes visions, c’est ça le problème. Et c’est pas comme si je pouvais demander à quelqu’un de m’en dire plus. Je ne connaissais pas vraiment de personne qui pouvait m’aider à en savoir plus. Et je n’allais pas avouer mon secret à cette fille qui semblait quand même au courant du surnaturel. Il fallait que j’en apprenne plus sur elle, mais sans me faire remarquer non plus. Je ne voulais pas jouer les inquisitrices, ou me faire remarquer de n’importe quelle autre manière que ce soit.

Après tout, si elle me dit ce qu’elle sait peut-être envisagerais-je de lui dire à mon tour ce que je sais. On ne sait jamais après tout. Mais bon, faut pas non plus se faire des idées non plus. Il fallait que je redevienne réaliste. Jamais je ne dirais à quelqu’un que je viens de rencontrer que je suis medium, alors pourquoi Thais me dirait quoi que ce soit ?

La forêt aurait pu devenir un endroit chargé de mauvais souvenirs. A vrai dire, elle l’était, mais cela ne m’empêchait pas de m’y sentir bien, malgré toute les horreurs que j’y avais vécu. J’y avais appris la mort de mon mari, l’homme que j’aimais par-dessus tout, avait failli y être violée, y était morte et alors que j’avais décidé de me laisser mourir après avoir découvert que j’étais en transition pour devenir un vampire, j’y avais réalisé un vrai massacre dans le but de sauver ma mère, ce qui avait été un échec car elle était finalement morte dans mes bras, brulée vive. Alors oui, la forêt ne me rappelait pas que de bons souvenirs, mais cela n’empêchait pas que je m’y sentais bien. Après tout, une forêt reste une forêt, qu’on soit au XVIIe ou au XXIe siècle. Quand on s’éloignait de l’agitation de la ville, qu’on s’aventurait dans les parties plus profondes, on pouvait y retrouver la nature sauvage, les animaux qui menaient tranquillement leurs vies, une infinité de plantes et d’arbres… Bien sur, les espèces varient selon les régions, mais si la forêt pouvait me rappeler de mauvais souvenirs, elle pouvait également m’en rappeler des très bons. Et puis, les sorcières étaient intimement liées à la nature, qui pouvait à la fois fortifier ou bien affaiblir leurs pouvoirs;

Mais la forêt n’était pas non plus un endroit sur. J’aurais pu faire partie des dangers qu’elle renfermait mais même si j’étais une créature dangereuse, mes intentions n’étaient pas mauvaises. Je n’attaquerai pas un innocent sans raison, juste parce que la soif se fait ressentir, ou parce qu’il se trouvait tout bêtement sur mon chemin. Seulement tout le monde n’avait pas des principes aussi définis que les miens et pleins de vampires ne se gêneraient pas pour attaquer n’importe qui. Et ne parlons pas des loup garous ! Un loup garou qui sortirait à la pleine lune serait une réelle menace, incapable de se contrôler, quiconque se trouverait sur son chemin constituerai une proie potentielle, moi y compris. Et puis, il y avait les sorciers, dont tous n’avaient pas de bonnes intentions - comme Devon par exemple - ou encore les chasseurs. La chasse aux sorciers n’était pas une science exacte et certains s’en prenaient parfois à des gens parfaitement normaux. Alors si elle était reposante et paisible, la forêt regorgeait également de multiples danger, raison pour laquelle j’avais averti la jeune fille qui s’y promenait seule.

Il n’y avait aucune menace dans ma voix, et pourtant la jeune Keila fit un pas en arrière juste avant de me répondre : « Des choses bizarres ? » Si elle devait craindre quelqu’un, ce n’était pas moi. Je me tenais à mes principes depuis trois siècles et si il m’était arrivé de déraper au début, je n’avais plus aucuns soucis pour me contrôler dorénavant. Et puis, elle n’était pas sensée savoir ce que j’étais de toute façon, car rien sur moi ne laissait penser que j’étais un vampire. A moins qu’elle ne soit pas humaine elle non plus… Elle n’était pas un loup garou, je m’en serais aperçue. Ni une sorcière, mon radar è sorciers - autrement dit, mon collier - était infaillible. Elle n’était pas non plus un vampire, les égratignures qu’elle avait sur les mains auraient déjà disparu depuis longtemps. Cela ne laissait donc pas grand choix. Une humaine au courant de l’existence du surnaturel, ou bien… Une medium. Je n’en avais rencontré que peu. La majorité ne croyaient pas vraiment en leurs dons. Ils pensaient juste être fous. La voix de la jeune femme interrompit cependant mes réflexions.

« Qu’est ce que tu entends pas là ? » demanda Keila, me faisant redescendre sur Terre. Je ne pouvais décemment pas lui dire ce que j’entendais par la. Après tout, elle pouvait très bien être une simple humaine, absolument pas au courant de l’existence du surnaturel. Il y avait déjà bien assez de gens dans cette ville qui savaient des choses qu’ils feraient mieux d’ignorer, pour leur propre bien et parfois même contre leur gré. Mais maintenant que j’avais dit à Keila de rester prudente, je ne pouvais pas ne pas lui donner de raisons valables de le faire. Enfin, même sans impliquer le surnaturel, se balader seule en forêt pouvait en soi être dangereux de toute façon, mais quelque chose me disait qu’une réponse aussi banale que celle qu’une mère donnerait à sa fille pour ne pas qu’elle s’aventure dans les bois ne convaincrait pas Keila. Je devrais donc me contenter de rester vague, au moins jusqu’à ce que je sache avec certitude si elle avait ou non connaissance de l’existence du surnaturel. « J’entends par la qu’on sait jamais sur qui… Ou sur quoi, on peut tomber. Surtout ici. Et crois moi sur parole, il y a des gens que moi-même je préfèrerai éviter. » Répondis-je. J’étais assez vague pour le pas lui avoir dit clairement quoi que ce soit concernant le surnaturel, mais assez précise pour lui mettre la puce à l’oreille si elle avait connaissance de notre existence à nous les vampires et autres créatures soit disant mythiques. Je guettais donc avec attention sa réaction. Si elle avait l’air de me prendre pour une folle, je saurais qu’elle n’était qu’une simple humaine au courant de rien. J'avais l'habitude de passer pour une cinglé de toute façon.

Elle faisait comme moi. Elle restait vague et tentait désespérément de m’arracher des informations. J’étais de plus en plus persuadée que Thais était un vampire. Elle ne pouvait pas être un loup-garou. Les loups-garous ne sont rapides que s’ils sont transformés et ils n’ont pas de pouvoirs qui pourraient brouiller mes visions. Elle n’était pas une medium. Ça c’était plutôt un pressentiment qu’autre chose. Et puis elle n’aurait pas pu brouiller ma vision non plus si elle avait été comme moi. Ne restait plus que « sorcière » ou « vampire ». Et elle sous-entendait que des créatures dangereuses rodaient. Dans tout les cas elle n’était pas humaine.

J’observai silencieusement Thais pendant quelques secondes. Qu’est ce que je risquais après tout si je lui disais que je suis medium ? Si elle faisait effectivement partie du monde surnaturel – comme elle le semblait le sous-entendre – elle ne me prendrait pas pour une folle. Et puis de toute façon, je sais comment me protéger d’un vampire. J’ai eu assez de visions sur eux pour savoir comment ils fonctionnent et à quoi ils sont sensibles. Je ne me baladais jamais sans mon bracelet fétiche qui contenait de la verveine mais également de l’aconit. On pouvait peut-être me prendre pour un pauvre agneau égaré mais quand il le fallait je savais me rebeller et me battre. Bon d’accord, ça ne m’arrive pas souvent de me battre, mais je sais le faire. Il ne faut pas oublier que j’ai appris l’escrime. Ça m’a appris la dextérité, l’adresse et l’agilité. J’avoue, je n’ai pas un niveau de professionnelle et je ne vaux rien à côté d’un vampire, mais bon, j’ai quand même quelques notions. En y réfléchissant bien, je pourrais utiliser mes visions pour battre un vampire et pouvoir ainsi anticiper ses mouvements. Mais malheureusement je ne les contrôlais pas. Je ne pouvais pas en avoir sur commande, en tout cas pas encore. Peut-être qu’un jour ça viendrait.

Arg ! Je m’étais une nouvelle fois laissée emportée par mon impulsivité ! Souvent des mots sortaient de ma bouche sans que je ne le veuille. Ça m’avait valu bon nombre de situations compliquées et embarrassantes au lycée. C’est sur qu’on se prend vite la honte quand on dit ses pensées tout haut sans s’en apercevoir et surtout quand tout ce à quoi on pense c’est le garçon le plus mignon de l’école. Et je ne parle pas de certains secrets de mes amies que j’ai divulgué à des personnes qu’il ne fallait pas. Heureusement je me rattrapai en racontant ce qu’il se passait dans la salle des professeurs. Et oui, à cette époque là j’étais Présidente du Conseil des Elèves et j’avais le droit exclusif de rentrer dans l’antre des professeurs. Bien sûr ça m’étais égal d’être présidente du conseil des élèves, c’est juste ma mère, encore et toujours, qui avait voulu diriger une nouvelle fois ma vie.


En même temps je l’aurai regretté si je n’avais pas dis ça. C’est vrai quoi. J’aurais pu dire « Ouais tu as raison, je devrais rentrer chez moi » et revenir à l’appartement. Alors que là j’agissais, je régissais ma vie. Alors d’un côté je déplorais mon côté impulsif, mais de l’autre j’adorais cette partie de mon caractère.

Je fis un petit sourire gêné. Je redoutais ce que Thais aller me dire, ou me faire qui sait ? Oh et puis après tout si elle avait voulu me faire du mal elle l’aurait fait depuis longtemps. Il ne faut pas si longtemps à un vampire pour tordre le cou à quelqu’un ou pour le vider de son sang après tout. Oh et puis on verrait bien. Je regardais Thais droit dans les yeux. Mon cœur tambourinait tellement fort dans ma poitrine que j’eus l’impression de le sentir résonner dans tout mon corps. Allez, du calme. Je n’allais pas mourir. Pas aujourd’hui, ce n’était pas encore mon heure.

La conversation pourrait tourner en rond longtemps au rythme auquel on était parties. Si je continuais à rester vague de la sorte, je pouvais finir par ne jamais découvrir ce qu’elle était. Humaine, médium ? J’avais déjà abandonné les autres possibilités et j’étais certaine de ne pas me tromper, mais savoir si elle était médium ou humaine, ça s’avérait plus compliqué que de savoir qu’elle n’était ni un vampire, ni une sorcière, ni un loup garou. Et puis, si elle avait été un vampire ou un loup garou, elle n’aurait pas eu de mal à deviner que j’étais moi-même un vampire. Le choix était donc réduit, mais je préférais tout de même rester prudente. J’avais fais tellement de mauvaises rencontre dans ma vie que ça vous apprend à ne plus parler sans réfléchir au préalable.

Keila m’observa quelques secondes, mais elle ne semblait pas me prendre pour une folle - ce qui se faisait rare ces temps ci - c’était déjà un bon début ! Pas que ça me fasse quoi que ce soit de me faire prendre pour une cinglée, j’avais l’habitude et parfois, c’était peut être un peu vrai, je devais le reconnaitre. En même temps, après trois cent vingt ans, j’en avais vu et vécu des choses, certaines plus traumatisantes que d’autres, qui auraient pu rendre n’importe qui dingue. Des meurtres, la perte de tous les gens que j’aimais, devoir vivre seule parce que, étant éternellement jeune, je survivrai à tous les gens auxquels je m’attacherai de toute façon… Alors oui, j’étais peut être un peu folle et ça ne me posais aucun problème. De toute façon, quelque chose me disait que la jeune femme avait parfaitement compris de quoi je voulais parler. Qu’elle soit medium ou pas, elle savait que les créatures comme moi existaient.

« On ne va pas tourner autour du pot pendant vingt ans, si ? » Fini par dire Keila, de but en blanc. Elle sembla regretter ses paroles, comme si elles étaient sorties malgré elle, et garda le silence un instant. Je n’étais pas du genre à parler sans réfléchir. En général, quand je disais quelque chose, j’avais une bonne raison de le faire. Que ce soit pour provoquer, chercher des informations, surprendre… Je ne faisais jamais cela par hasard. Peut être mon petit côté manipulatrice, calculateur. Bon, ça c’était quand j’avais un but, bien sur, pas simplement lors d’une conversation normale, banale, avec un ami. Je ne suis manipulatrice que quand je veux quelque chose. Cela ne m’empêchais pas d’être impulsive, chose que ma nature de vampire amplifiait encore plus, mais j’essayais de me contrôler histoire de ne pas sauter à la gorge des gens à la moindre contrariété. Décidant à l’évidence de jouer franc jeu, Keila ajouta d’une voix hésitante : « Je suis medium »

Ah, bah au moins ça avait le mérite d’être clair. Je laissais échapper un soupire légèrement soulagé : la conversation serait plus simple maintenant que je savais ce qu’elle était. Elle savait probablement ce que j’étais moi-aussi, ou en tout cas elle se doutait que je n’étais pas une simple humaine. Ca serait bien plus simple, vraiment ! « Ah, mon intuition n’est pas si mauvaise que ça on dirait alors. » répondis-je avec un sourire. J’avais connu quelques médiums, dont une en particulier - également sorcière - qui était la tante de mon mari. Ses dons nous avaient souvent été très utiles. Malheureusement, ils ne nous avaient pas permis de sauver nos vies 320 ans plus tôt. Mais je ne lui en tenais pas rigueur, ses visions pouvaient souvent se montrer capricieuses, et les chasseurs avaient du trouver un moyen de les brouiller, ayant surement à leurs côtés un sorcier qui aurait trahi les siens pour sauver sa peau. Voulant également clarifier la situation de mon côté, j’annonçais donc « Moi je suis un vampire. Mais t’en fais pas, je m’en prendrai pas à toi. Je fais partie des gentils. » Bon, pas totalement. Il m’arrivait de m’en prendre à des gens, mais jamais sans raison. Et je n’avais aucune raison de m’en prendre à Keila. « Les ’méchants’ habitent un peu plus loin par là bas. » Ajoutai-je. « Un loup garou et un sorcier. C’est d’eux que je te disais de te méfier. » Au moins, mon avertissement pouvait se faire un peu plus clair maintenant.

Une medium… ca pouvait être utile, ça, mine de rien. Une idée germait déjà dans mon esprit. Peut être ses pouvoirs pourraient-ils m’aider à en savoir plus sur Devon et son chien de garde. Bon, je n’allais pas lui demander ça comme ça, je ne la connaissais même pas après tout. Mais c’était uen idée à garder dans un coin de mon esprit. On ne sait jamais.

Après ce que m’avaient fait mes parents, je ne m’attendais pas à révéler mon secret comme ça. Sur un coup de tête à quelqu’un que je ne connaissais même pas. Bien sur je savais qu’elle avait un secret et que donc elle ne révèlerait pas le mien. Mais bon… Finalement ce que mes parents m’avaient fait m’atteignait moins que je ne le pensais. Je pensais être traumatisée à vie, ne plus pouvoir me confier à quelqu’un, à rester seule à me morfondre dans mon coin et tout. Mais bon, j’avais tendance à dramatiser légèrement. Enfin, à dramatiser dangereusement plutôt !

Elle ne semblait pas vraiment surprise. Elle devait s’en douter avant que je ne l’avoue. En même temps, si comme je le croyais elle était un vampire, elle devait avoir croisé d’autres medium que moi. Peut-être que grâce à elle je pourrais en apprendre plus sur ce don que j’ai reçu.

Alors comme ça j’avais raison. Je me sentais… impressionnée. Thais était officiellement le premier vampire que je rencontrai après tout. Mais bizarrement je n’avais pas peur. C’étais surement du au fait qu’elle avait ajouté qu’elle ne me ferait aucun mal et qu’elle était gentille. Pendant une seconde je repensais à mes mains écorchées qui continuaient à saigner légèrement. Jusque là j’avais toujours pensé que les vampires ne résistaient pas à l’appel du sang, à l’odeur du sang. Mais Thais, restait impassible. Elle devait avoir un grand self-control. Elle devait être vampire depuis longtemps. Ça m’étonnerait qu’un nouveau vampire résiste comme ça. Elle devait être habituée. Soudain je me mis à éprouver une sorte de… respect pour elle. Elle semblait être quelqu’un de plutôt censé.

Un loup-garou et un sorcier ? Waouh mais cette ville était vraiment submergée par le surnaturel ! Je n’avais encore jamais vu de sorcier ou de loup-garou (ou en tout cas, si j’en avais croisé, je ne m’étais pas aperçue de ce qu’ils étaient). En même temps, c’étaient des gens normaux après tout. Les sorcières n’ont pas de nez crochu avec des verrues dessus et ne se baladent pas avec des chapeaux pointus. Et les loups-garous ne se transforment qu’à la pleine lune. Moi je suis medium, je suis une voyante. Et pourtant je ne suis pas une vieille fille qui vit avec quinze chats et qui ne porte que des jupes longues et des châles.

J’avais tellement de questions à lui poser ! Mais je ne voulais pas non plus être indiscrète ! C’est vrai quoi, y a des choses qu’on préfère ne pas dire sur sa vie, son histoire, les épreuves qu’on à traversées. Mais j’étais trop curieuse. Il fallait que je lui pose une question. J’hésitais simplement entre demander à Thais quelque chose de personnel sur elle (quand est-ce qu’elle avait été transformée, comment ça se passait des trucs dans le genre) ou quelque chose de plus général (si elle connaissait d’autres personnes « surnaturelles » à Coventry, si il y en avait beaucoup etc).

La conversation serait bien plus simple maintenant que chacune savait ce que l’autre était. Tourner autour du pot, ça va bien cinq minutes, mais ça devient rapidement lassant. Bon, des fois ça m’amusait, comme la fois où j’étais tombée sur ce sorcier, Shawn. Le faire tourner en bourrique et le laisser croire qu’il était plus fort que moi quand je savais pertinemment que je pourrais le mettre en morceaux avant qu’il n’ait le temps de réagir m’avait pas mal amusée. Il y a des gens, comme ça, qui se croient invincibles, plus fort que tout le monde, mais sont tellement bornés qu’ils ne réalisent pas que peu importe la quantité de pouvoirs que vous possédez, il y a toujours quelqu’un, quelque part, de plus fort, plus puissant que vous. Je ne me faisais pas ce genre d’illusions. Je savais bien que même si ma nature de vampire me rendait immortelle, elle ne me rendait pas pour autant invincible. Un simple pieu de bois, et je pourrais dire adieu à mon existence, et pourtant j’étais une vampire expérimenté car cela faisait très longtemps que je me baladais quand même, et j’avais l’avantage de pouvoir encore utiliser la magie. Et même ça ne faisait pas de moi quelqu’un d’invulnérable. Et j’en avais conscience, contrairement à ce Shawn ! Ce qu’il avait pu m’agacer celui là, quand même !

« Ah, mon intuition n’est pas si mauvaise que ça on dirait alors » Plaisanta Keila. Cela m’arrache un petit rire. C’était mot pour mot ce que je venais de dire. Sauf que dans son cas, ce n’était probablement pas une intuition, mais plutôt une vision. Eh oui, elle était médium. Elle avait probablement vu quelque chose à mon sujet qui lui avait laissé penser que je n’étais pas une simple jeune femme un peu bizarre en train de se promener en forêt. Elle avait semblée rassurée lorsque je lui avais annoncé faire partie des gentils. Bon, mon côté « gentille » ca dépendait du point de vue. Pour des chasseurs de sorciers, j’étais une proie à abattre, et pour cause : au cours des siècles, j’avais tué bon nombre d’entre eux. Mais je ne faisais que leur rendre la monnaie de leur pièce. Ils avaient tué des tas d’innocents -sorciers ET humains - à Salem. Et ils continuaient de le faire encore aujourd’hui. Alors pourquoi seraient-il les seuls à mener la chasse ? Je pouvais très bien le faire moi aussi, et je ne m’en privais pas.

J’avais quand même tenu à prévenir Keila concernant Devon et son garde du corps, ce à quoi elle me répondit un simple « Ah, ok. ». Se rappelant probablement qu’elle s’était égratigné les mains un peu plus tôt, elle ajouta en me montrant ses mains, avant de les glisser dans ses poches : « Désolée si… je t’embarrasse » De si petites égratignures, ça n’allait pas du tout m’embarrasser, comme elle dit. J’avais vu pire, et avait l’habitude de résister à l’appel du sang. Je n’y prêtais même plus attention. En trois cent vingt longues années en tant que vampire, j’avais eu le temps d’apprendre à me contrôler, et je faisais de toute façon toujours en sorte de ne pas en arriver à un stade… critique, histoire de ne pas perdre le contrôle et sauter sur un passant. « Ne t’en fais pas pour ça, c‘est que des égratignures. Depuis le temps, je sais me contrôler. » La rassurai-je avec un sourire.

Keila sembla réfléchir un moment, et je la laissais faire en silence. La patience, ce n’était pas mon fort, mais je pouvais bien lui laisser le temps de digérer tout ça. Peut être n’avait-elle jamais rencontré de vampire auparavant ? Allez savoir. « J’ai tellement de questions » lâcha-t-elle finalement dans un murmure. Je n’eu bien entendu aucun mal à l’entendre. Je comprenais bien qu’elle devait avoir des questions, oui. Qui n’en aurait pas eu ? Seulement, il y avait des questions auxquelles je n’aimais pas répondre. Temps qu’il s’agissait de rester vague, des généralités sur les vampires, les sorciers, les loup garous… Tout allait bien. Mais si on passait à la partie plus personnelle des questions, il y avait des chances que j’ai du mal à lui répondre. Je n’aimais pas parler de mon histoire. Enfin, de ma vie humaine et de ma mort, en tout cas. Le reste n’avait rien de douloureux. Mais je ne pouvais pas reprocher à Keila d’avoir des questions, si bien que je lui répondis « Eh bien pose les. ». J’aviserai une fois que je saurais sur quoi portent ses questions. Désireuse de m’éloigner de l’appartement de Devon et de la louve, j’ajoutais « Mais y a moyen qu’on discute tout en marchant ? J’aimerai autant m’éloigner de chez le sorcier dont je t’ai parlé. » Pas que les affronter me faisait si peur que ça, mais si je serais aisément capable de maitriser la situation, Keila aurait probablement un peu plus de mal à le faire. Et puis, je ne voulais pas que Devon sache que je trainais dans les parages. Il n’était pas sensé savoir que je savais qu’il n’était pas Devon, et que je cherchais à savoir qui il était réellement.

Avant que je n’aie mes visions, je n’avais jamais pensé au surnaturel. Ça ne m’était même jamais traversé l’esprit que ça pouvait exister. Pour moi c’était de la science fiction au même titre que les extra-terrestres, les vaisseaux spatiaux ou les machines à voyager dans le temps. Je n’étais d’ailleurs pas très friande des films de vampires, de loups-garous ou de sorcier. Et pourtant… Quand j’ai eu mes premières visions, soudain j’avais manifesté un intérêt particulier pour tout ce qui touchait au surnaturel. J’avais vu des centaines de films, lu des centaines de livres j’avais même acheté des talismans soi-disant protecteurs dans des boutiques d’ésotérisme. Je doutais sérieusement que c’étaient de vraies boutiques avec de vrais objets surnaturels. Mais bon, j’aimais ce monde. Et pourtant je n’en savais rien. Après tout, à part Thais que je venais de rencontrer, je n’avais encore jamais parlé avec quelqu’un de « surnaturel » (ou du moins je ne m’en étais pas aperçue). Et je me posais beaucoup de questions.
J’avais surtout des questions sur mes visions. Mais je doutais que Thais puisse vraiment y répondre. C’était un vampire, certes, mais ce n’était pas pareil. Peut-être avait-elle rencontré d’autres médiums ?

Je ne voulais pas aborder des sujets trop personnels. Après tout, si on me posais des questions personnelles sur ma « vie de medium » et tout je me sentirai gênée. Alors je n’allais pas faire ce que je ne voulais pas qu’on me fasse ! Ça parait logique non ?

Aie, dès que je laissais ma curiosité parler je n’arrivais plus à m’arrêter. En même temps j’était tellement contente de trouver quelqu’un avec qui je pouvais parler ouvertement –enfin plus ou moins- de ce dont on ne parle pas trop à haute voix dans les lieux bondés. J’en avais marre de ne pouvoir parler qu’à ma tante, de mentir à ma meilleure amie, de me cacher, de me trouver des excuses pour mes « absences ». Alors que là, c’était plus simple. Ça faisait du bien de ne pas avoir à se censurer.

Je me sentis un peu ridicule. J’avais l’impression d’être un petit papillon fragile à peine sortit de son cocon qui découvre à peine le monde dans sa nouvelle condition de papillon. A la différence que je n’étais pas un papillon mais une medium. Et j’espérais sincèrement avoir une espérance de vie plus longue que celle d’un papillon !

C’était normal d’être curieux. On ne rencontre pas des vampires tous les jours. Ou alors, on ne sait pas qu’ils le sont. J’ai toujours ou presque connu leur existence et même lorsque j’étais une sorcière, je savais qu’il valait mieux ne pas se balader trop loin dans les bois, encore moins la nuit - ou à la pleine lune, car c’est à ce moment que les loup garou étaient de sortie. Cependant, même si je savais qu’il serait dangereux et stupide d’aller à l’encontre des recommandations de ma mère pour aller voir si je tombais sur un vampire, j’étais tout de même curieuse d’en savoir plus sur eux. Bon, jamais je n’avais été m’aventurer à leurs recherche, je n’étais pas non plus inconsciente. L’ironie, c’est que lorsque j’avais fini par m’aventurer plus profondément dans les bois pour me protéger des chasseurs de sorcières, ce n’était même pas un vampire qui m’avait tuée mais un simple humain. Et si j’étais encore là, c’est parce qu’un vampire avait eu pitié de moi et de ma petite Ainhoa, ne voulant pas voir ma fille devenir orpheline. Comme quoi, les vampires ne sont peut être pas aussi mauvais que leur réputation ne le dit - en tout cas pas tous - et les humains sont loin d’être des saints et sont tout aussi capable de commettre des atrocités que les vampires, les sorciers ou les loup garous. Il se passait tellement de choses dans le monde surnaturel dont les humains n’avaient pas la moindre idée. Et Keila avait beau ne pas être humaine, elle ne devait pas avoir connaissance du monde surnaturel depuis très longtemps. Il était donc normal qu’elle se pose des questions - beaucoup de questions - et même si certaines me mettraient peut être mal à l’aise je tâcherai d’y répondre au mieux. De toute façon, avec ses pouvoirs, elle pourra surement avoir d’elle-même des informations sur moi.

« Bien sur, mais je ne marche pas vite » répondit Keila en riant, m’emboitant le pas quand je lui proposait de marcher pour s’éloigner de chez Devon. « Les vampires ont une sorte de superpouvoir de vitesse non ? » Ca, je n’aurais aucun problème à lui répondre. Ca n’était pas bien compliqué, et donc je n’eu pas à réfléchir pendant une demi heure pour trouver ce que je pourrais bien lui dire. « C’est exact. On est plus rapide, plus forts, on a des sens surdéveloppés… Et on cicatrise plus vite. » Enumérai-je. Ca pouvait être plutôt pratique comme pouvoirs. On n’était pas immunisés contre la douleur, mais au moins, se retrouver blessé était plus compliqué, et nous guérissions rapidement, donc nous étions rapidement débarrassés de la douleur que pouvait provoquer une blessure. Heureusement, car je ne ressortais pas toujours indemne de mes rencontres avec les chasseurs de sorciers. Par chance, jamais ils n’avaient réussi à me tuer en 320 ans. Une fois pas deux, si je devais venir à mourir à nouveau, ce ne serait certainement pas de leur main, je ne leur laisserai pas cette satisfaction.

Parlant de chasseurs… Keila en arrivait au sujet que j’aurais préféré évité, même si je me doutais qu’il arriverait tôt ou tard dans la conversation. « Hum, tu es vampire depuis quand ? Enfin je veux dire, ça fait longtemps ? Tu as rencontré d’autres mediums ? » Elle ne m’avait pas demandé comment je l’étais devenue, ce qui était déjà bien, mais rien que cette question suffisait à faire ressurgir de mauvais souvenir, même si j’essayais de les mettre de côté. Je n’aimais pas repenser à tout ça, autrement que lorsque je me retrouvais seule et pouvait ruminer - et pleurer - à ma guise. « Désolée, je sais que je pose beaucoup de questions. Mais je suis curieuse. Et pour tout te dire, tu es le premier vampire que je rencontre. Tu es même le premier « être surnaturel » que je rencontre d’ailleurs » s’excusa Keila avant que je ne puisse répondre. Je ne lui reprochais pas sa curiosité. N’importe qui se poserait des questions à sa place, surtout si j’étais, comme elle le disait, le premier être surnaturel qu’elle rencontrait. J’avais grandi avec ça, mais ça n’était pas le cas de tout le monde et je n’en tenais donc pas rigueur à la jeune medium. « Ce n’est rien. » tentai-je de la rassurer. « Ca ne me rappelle pas que de bons souvenirs, c’est tout. Mais c‘est normal que tu aies des questions, à ta place j‘en aurais aussi. ».

Je restais silencieuse un moment, marchant aux côtés de Keila, légèrement perdue dans mes pensées, cherchant comment aborder le sujet. Autant ne pas y aller par quatre chemins, après tout. « J’ai 339 ans. Et ça fait 320 ans que je suis un vampire. J’étais une sorcière avant ça et oui, j’ai connu des mediums. Enfin, juste quelques uns. » Expliquai-je. « La tante de… Mon mari en était une, en plus d’être une sorcière. Et si un jour tu arrives à maitriser ce don aussi bien qu’elle, eh bien… Tu n’auras plus à me poser de questions pour connaitre mon histoire. » Ajoutai-je. Ava avait des pouvoirs très puissants et toutes les sorcières que nous connaissions à l’époque faisaient confiance à son jugement. Avec les années, elle avait réussi à apprendre à maitriser ce don, à comprendre ses visions, à les interpréter, les provoquer à sa guise… Elle nous avait été d’une aide précieuse pendant de nombreuses années. Ce n’était pas pour rien si il arrivait souvent que les médiums s’allient à des cercles. C’était dans l’intérêt tant du médium, qui profitait de la protection des sorciers, que des sorciers qui pouvaient prévoir diverses attaques.

Bien sur je m’en étais rendue compte dans mes visions. Mais il fallait bien que je commence quelque part non ? Et puis, on n’était jamais sûr de rien après tout. Vu dans quel monde on vivait on avait bien le droit de se méfier non ? Notre monde était fait de mythes, de légendes et de faux-semblants. Alors peut-être que mes visions n’étaient que des illusions et qu’elles ne me montraient que des trucs faux. De toute façon, que ce soit avec le surnaturel ou dans la « vie normale », j’étais plutôt tu genre à toujours vérifier ce qu’on me disait ou ce que je voyais dans mes visions et ce même si j’en comprenais parfois le sens. Je voulais toujours être sûre de ne pas m’être trompée. Ce qui me valait souvent bon nombre de recherches et une très grande culture littéraire et historique et pour tout avouer, mon budget « aspirine » a genre quadruplé. Je crois que je n’ai jamais eu autant de migraines que durant ces quatre années !

Thais et moi marchions à travers la forêt, c’était vraiment un beau spectacle même si j’avais vraiment l’impression de la ralentir et de l’ennuyer. Mais bon, c’était un peu mon caractère « parano » qui ressortait. Toujours à m’imaginer que les gens n’en avaient rien à foutre de moi. J’avais tellement peu de relations sociales que j’avais tendance à beaucoup me lâcher par moment et donc de parler toute seule. Des fois je me trouvais vraiment conne quand même. Mais bon on s’y fait vite. Et l’avantage quand on préfère écouter plutôt que parler c’est qu’on apprends beaucoup, beaucoup de choses. C’est fou les « scandales » et les secrets des riches de Earlsdon que j’ai appris en écoutant ma mère parler à ses amies. Je dois avouer que même si je ma vie de bourgeoise m’ennuyait terriblement j’avais quand même bien ris à cette époque.

Je la regardais ébahie. Elle avait 339 ans ! Cela voulait dire qu’elle était née en… 1660 et des poussières. Enfin un truc du genre. Je n’ai jamais été très douée en calcul mental. Et en plus elle était une sorcière. Je fis le lien très vite. Le procès des sorcières de Salem. Elle y avait certainement assisté. Peut-être même était-ce ainsi qu’elle était morte et qu’elle avait entamé le processus de transition. Mais c’était une question bien trop personnelle pour que je lui demande comment elle a été transformée. Après mon petit moment « d’ébahissement » je devins pensive – cela devait certainement se voir vu que la plupart du temps mes sourcils étaient légèrement froncés et que je n’arrêtais pas de tripoter mes mains. Elle avait parlé de medium : « si tu arrives à maitriser ce don ». Mon don allait donc se développer et je pourrais avoir le contrôle dessus… Pour l’instant je « subissais » mes visions soudaines – qui venaient comme par hasard au plus mauvais moment- dont je n’arrivais pas à comprendre la signification ou l’utilité. Il fallait toujours que je me démène pour comprendre pourquoi j’avais eu une vision. Enfin, il y avait des exceptions comme cette vision que j’avais eu de Thais courant dans la forêt. Mais bon.

L’espace d’une seconde j’imaginais comment mes donc pourraient se développer. Peut-être que je serais comme « propulsée » dans mes visions et que je déciderais de ce que je veux voir au lieu que ce soit ma vision qui me montre ce qu’elle veut. Ou alors j’aurais des visions sur commande. Je pourrais peut-être parler aux morts. Je… je ne trouvais plus d’idées. En même temps je ne savais pas trop ce en quoi consistait le don de medium. Pour l’instant, pour moi, cela consistait à voir l’avenir (enfin, le passé et le présent aussi). Mais peut-être que pour d’autres medium ce n’était pas ça. Je verrais bien avec le temps façon.
Revenant à la réalité je posais mon regard sur Thais. Elle semblait très à l’aise dans la nature. En même temps c’était un vampire, elle ne risquait pas de se faire trop mal en tombant ! Quoique ce serait balo qu’elle se prenne une écharde quand même ! J’émis un petit rire avant d’observer Thais. Elle était vraiment magnifique –était ce du à sa condition de vampire ou était ce sa beauté naturelle ? Aucune idée, mais elle était vraiment belle. Ses longs cheveux bruns bouclés tombaient en cascade sur ses épaules et son dos, juste là où elle était éclairée par le soleil. Je levais les yeux vers la cime des arbres et vis les rayons de soleil les traverser, ils faisaient des taches dorées sur le sol, c’était un beau spectacle.

Être un vampire pouvait avoir des bons côtés. C’est vrai, c’était pratique de cicatriser très vite, d’être plus rapide, plus fort que les humains. Avec des capacités pareilles, j’étais certaine que jamais ce qui m’était arrivé la nuit où je suis morte ne se reproduirait. Quiconque s’y risquerait serait mort avant même d’avoir pu faire quoi que ce soit, et je serais très loin avant que qui que ce soit n’ait retrouvé son corps. Je comprenais que certains de mes confrères vampires puissent apprécier leur condition - même si c’était plus facile à faire quand on a un moyen de sortir au soleil - car elle possédait quelques avantages. Cependant, elle avait également un bon paquet d’inconvénient, du genre devoir s’en prendre aux humains pour survivre, ne pas pouvoir sortir au soleil si une sorcière n’a pas eu la gentillesse de vous venir en aide… Et toujours finir seule, car peu importe les gens auxquels vous vous attachez, vous leur survivrez toujours, à moins de les transformer aux aussi. Je m’étais toujours refusée à transformer quelqu’un en vampire et je devais être l’une des rare à jamais ne l’avoir fait. Il m’était arrivé d’utiliser mon sang pour sauver la vie de quelqu’un, mais jamais pour le transformer en vampire car peu importe les avantages que cela peut avoir, je ne souhaite cela à personne.

J’avais réussi à expliquer quelques petites choses sur moi à Keila sans avoir à me plonger dans les détails les plus douloureux de mon passé - bien que mon cœur se serra quand je mentionnais Beau et Ava - et ma réponse sembla lui convenir, car sa seule réponse consista d’un « Waouh ! ». « Waouh » quoi, je l’ignorais. Mon âge ? Ce que j’avais dis sur les mediums ? Les deux peut être ? Personnellement, je pencherais plus sur mon âge, car 339 ans, c’était quand même pas mal. Il y avait des vampires bien plus vieux que ça, mais je n’étais plus considérée comme un jeune vampire depuis très longtemps.

Voyant l’air pensif de la jeune medium, je restais silencieuse, la laissant réfléchir tout en avançant avec elle à travers les bois, prenant machinalement la direction de mon manoir qui ne se trouvait pas très loin de là. « Tu crois que mes dons vont se développer ? » Demanda-t-elle finalement. « Après tout je trouverais ça logique, ça ne fait que quatre ans que j’ai ce don –enfin je commence à l’assumer que maintenant, j’ai du le cacher, c’est compliqué. Mais comment on fait pour développer ses dons ? Que franchement je ne vois pas… » Expliqua-t-elle. Je n’étais pas une experte en ce qui concernait les mediums. Concernant la sorcellerie ou ce qui concerne les vampires, je savais de quoi je parlais car j’étais moi-même passée par là, mais je n’étais dotée d’aucun pouvoirs de medium. Tout ce que je savais, c’était de la théorie, ou ce que j’avais pu observer au fil de mon existence. Mais pour avoir vu Ava utiliser ses pouvoirs, je savais pertinemment qu’ils pouvaient être maitrisés, développés… Comme n’importe quelle capacité. Un athlète ne bat pas le record du monde du 100m comme ça, ça demande de l’entrainement. Et c’était pareil pour n’importe quel pouvoir. « Je ne suis pas vraiment une experte en ce qui concerne les mediums. Mais j’ai pas mal de livres et de grimoires chez moi, peut être que je pourrais y trouver quelque chose. Je n’habites pas très loin, on peut y aller si tu veux. » Proposai-je. Au cours de mes voyages, j’avais pu collecter beaucoup de grimoires et autres matériel pouvant être utilisés pour la magie. Certains pouvaient s’avérer très dangereux si ils se retrouvaient un jour entre de mauvaises mains, j’évitais donc de laisser qui que ce soit les sortir de chez moi. Mais Keila n’était pas une sorcière, elle ne pouvait pas utiliser les formules qui se trouvaient dans mes livres, simplement chercher des informations. Et mes informations seraient certainement bien plus fiables que tout ce qu’elle pourrait trouver sur internet ou à la bibliothèque.

« Comment tu fais pour marcher au soleil ? Les vampires sont pas censés finir en… tas de cendres si ils s’exposent au soleil ? » Me demanda Keila après m’avoir observée un moment. Elle avait tout à fait raison. Beaucoup des stéréotypes sur les vampires étaient faux - l’eau bénite, l’ail, ou le fait qu’on est sensés dormir dans un cercueil, entre autre - mais le fait que nous ne pouvions normalement pas sortir en plein jour était vrai. Elle était bien informée, donc, mais elle ne devait pas savoir que certains vampires avaient pu bénéficier de l’aide de sorcières afin de pouvoir vivre plus… Normalement. Les gens se posent souvent des questions quand ils ne vous voient ne vous balader que la nuit. Oh bien sur, tous ne pensent pas immédiatement aux vampires, mais si on ne veut pas attirer l’attention, mieux vaut pouvoir vivre relativement normalement. « On est bien censés brûler au soleil - et c’est douloureux, dans le genre. Mais j’ai une bague qui a été ensorcelée pour me permettre de sortir au soleil. » Expliquai-je, levant ma main gauche afin de lui montrer l’anneau qui brillait à mon annulaire. Cet anneau avait fait office d’alliance, après que Beau et moi nous soyons mariés, et sachant que jamais je ne m’en séparerait car il avait une valeur sentimentale bien trop importante pour que je le fasse, j’avais décidé que ce serait ce bijoux qui me protégerait des rayons mortels du soleil. Une bague, c’était plus difficile à arracher qu’un collier, et mon collier était, de toute façon, déjà ensorcelé. Inutile d’en rajouter.

Je relevais la tête et regardais Thais un peu stupéfaite. Est-ce qu’elle venait vraiment de m’inviter chez elle ? Et puis pour me laisser regarder des grimoires de sorcières et tout en plus ! Pour ma première rencontre avec un vampire, c’était plutôt cool quand même. Bon, je savais qu’ils n’étaient pas tous comme ça hein, mais franchement, j’ai de la chance d’être tombée sur Thais. J’espérais juste ne pas être trop déboussolée le jour où je rencontrerais un vampire comme on en voit dans les films d’horreur. Le genre qui tue pour le fun, qui joue avec les gens et tout le reste.

Je n’arrivais toujours pas à croire que j’allais aller chez un vampire. D’un côté ça faisait un peu peur quand même. Mais bon, Thais était gentille, ou du moins elle semblait l’être, et puis elle ne m’avait donné aucune raison de douter d’elle. Alors je ne voyais pas pourquoi je ne pourrais pas aller chez elle. Bon ok, j’allais avoir l’impression de la déranger –ouais mon petit caractère parano…- mais bon, puisqu’elle le proposait… Et puis ça pourrait peut-être m’apprendre des trucs sur les mediums et peut-être même sur moi. Dans tout les cas j’en apprendrais certainement plus sur ce monde de fou dans lequel on vivait, et puis je pourrais apprendre des trucs intéressants.

J’observais un instant le paysage tout en faisant en sorte de rester concentrée sur le sol. J’étais plutôt du genre maladroite, on pouvait me qualifier de « boulet ». Alors, déjà que j’avais l’impression de ralentir et d’ennuyer Thais, je n’avais pas envie de m’étaler comme une crêpe sur le sol.

J’espérais ne pas avoir fait de gaffe. Ça m’arrivait souvent. C’était une autre raison pour laquelle je préférais écouter plutôt que parler. Je jetais un regard en coin à Thais, histoire de voir si elle ne réagissait pas trop mal à ce que j’avais dit. Après tout elle avait mentionné un mari non ? Je ne voulais pas lui faire ressurgir de mauvais souvenirs ou autre. Ça y est je me sentais mal. Oh, pourquoi je devais toujours trouver un autre sujet de conversation pour faire oublier la gaffe que je venais de faire ? Fallait vraiment que je réfléchisse avant de parler.

Pff, c’est tout ce que j’avais trouvé. Il fallait vraiment que je m’entraine à trouver des sujets de conversation. J’aurais du embrayer sur un truc n’incluant pas les vampires. Mais bon, maintenant que c’était dit, bah c’était dit hein. Je pris une profonde respiration, et essayais de chercher un nouveau sujet de conversation. Ça pourrait m’aider pour ma prochaine gaffe, je n’étais jamais à l’abri d’une nouvelle maladresse.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que pour un vampire j’étais du genre aimable. Enfin, pas avec tout le monde, certes, mais tout de même. Après tout, je n’avais aucune raison d’être désagréable avec Keila, n’est-ce pas ? Je n’avais pas pour habitude d’être une vraie garce avec les gens qui ne le méritaient pas. Et puis, si Keila mettait le nez dans mes grimoires et autres bouquins sur la magie, elle ne pourrait de toute façon pas en faire grand-chose d’autre que se renseigner sur sa nature de médium, sachant qu’elle n’était, aux dernières nouvelles, pas une sorcière. Je resterai dans le coin bien entendu, mais elle ne pourrait rien faire des formules que pouvaient contenir mes grimoires, et les plus dangereux d’entre eux étaient de toute façon bien à l’abri de quiconque pouvant avoir de mauvaises intentions.

« Euh, ok ! » Répondit Keila avec enthousiasme. « Je n’ai jamais vu de grimoire de ma vie ! En même temps je ne connais pas de sorcière. Mais euh, merci oui c’est gentil, je veux bien allez chez toi. » je lui souris, et continuait donc mon chemin en direction de manoir que j’avais acheté quand les Llewellyn avaient débarqué à Coventry. J’y vivais seule, mais ne me voyais pas vraiment vivre seule dans un appartement en plein centre ville. J’aimais avoir de l’espace, être proche de la nature, et surtout, avoir de la place pour entasser tout mon bazar. Ce manoir était donc idéal, même si il était bien grand pour une personne vivant seule. « J’espère qu’il y aura des informations sur les médiums dans tes grimoires. Je voudrais pas squatter chez toi pour rien » Ajouta Keila. J’étais persuadée que l’on pourrait trouver quelque chose qui puisse l’aider. Après tout, il n’était pas rare que sorciers et mediums en arrivent à travailler ensemble, à se protéger mutuellement… Il serait étrange, donc, que rien ne figure dans mes livres - surtout avec la quantité de grimoires que je possédais. « Je suis sure qu’on trouvera quelque chose. Et puis si tu viens pour rien eh bien… C’est pas grave. » Répondis-je avec un haussement d’épaules. J’avais rarement de la visite alors que Keila vienne ne me dérangeait pas le moins du monde.

J’avais expliqué à Keila comment je pouvais marcher au soleil sans me transformer en tas de cendres, ce à quoi elle répondit : « Oh, cool. Enfin pour la bague je veux dire. Elle est super belle. On dirait une alliance. » Je ne pus retenir un léger rire dénué d’humour. On dirait une alliance… bah forcément, puisque s’en était une. Je ne répondis pas, me contentant de baisser la tête. Je n’en tenais pas rigueur à Keila, après tout elle ne connaissait pas tout de mon histoire, elle ne pouvait pas prévoir que c’était un sujet sensible. De toute façon, en ce moment, tout me faisait penser à lui. Depuis la Saint Valentin, où j’avais rencontré ce Devon. Enfin, Devon… Celui qui se baladait avec son corps tout au moins. Je n’étais donc plus à ça près.

S’apercevant certainement de sa gaffe - vu mon attitude, ce n’était pas bien compliqué - Keila reprit la parole, changeant de sujet. « Comment t’as fait pour avoir ta maison ? Que les vampires ne peuvent pas rentrer dans les maisons à moins qu’on les invite. Enfin, si c’est pas des cracks. Ça doit être chiant si tu vis seule et que tu peux pas rentrer chez toi. » On restait dans le sujet vampire mais au moins, cela n’avait aucun lien avec Beau, ce qui m’arrangeait. Elle avait raison, les vampires étaient incapables de rentrer dans l’habitation de quelqu’un sans y avoir été invité. Mais je n’avais pas ce problème avec mon manoir étant donné qu’il n’appartenait à personne d’autre que moi. « Non, ce n’est pas des cracks, comme tu dis. Seulement, cette maison là m’appartient. Donc je peux rentrer sans problèmes. Et en théorie, n’importe qui peut y rentrer, étant donné qu’elle est habitée par un vampire. Et puis de toute façon, quand tu as été invité à l’intérieur une fois, à moins que le propriétaire de la maison ne change, tu peux y aller et venir comme tu veux. » Expliquai-je.

Nous approchions justement de mon habitation. Venant de la forêt, nous arrivions directement par l’arrière du manoir, du côté du jardin, totalement dissimulé à la vue des passants qui arrivaient par le côté de la cour. Débouchant de la forêt, nous nous trouvions donc face à un vaste manoir anglais devant lequel s’étendait un terrain que j’avais aménagé au cours des années par une étendue d’eau, des arbres de toute sortes et même un puits à l‘ancienne, bien qu‘il ait été condamné il y a des années de ça. J’avais aménagé cet espace tout en faisant en sorte que rien n’ait l’air trop artificiel ou trop moderne. Je le voulais… Intemporel. C’était immense pour moi seule et j‘en avais conscience, mais comme je l’ai dis, j’aime avoir de l’espace, être auprès de la nature et également à l’abri des regards indiscrets, et j‘avais volontairement choisi une habitation avec un grand terrain. Je ne manquais pas d’argent et plutôt que de tout dépenser dans des bêtises, je préférais faire de cet endroit un endroit où je me sente . Et c’était le cas. « Et voilà mon chez moi. » Dis-je à Keila avec un sourire en lui désignant l’endroit d’un geste de la main.

Je regardais où nous étions. J’avais l’impression de m’enfoncer de plus en plus profond dans la forêt. D’habitude j’avais un super sens de l’orientation. Mais là j’étais un peu trop occupée dans mes pensées pour faire attention à où j’allais. C’était tout nouveau pour moi. Ce matin en me réveillant jamais je n’aurais imaginé rencontrer un vampire aussi gentil que Thais l’étais, apprendre plein de choses sur le surnaturel et en plus rentrer dans la maison d’un vampire qui m’invitait pour me montrer ses grimoires. Je trouvais ça génial ! Me rappelant que je n’habitais pas seule, et que ma tante avait tendance à s’inquiéter pour un rien, je regardais l’heure sur mon portable. Il était 17h12. Oh c’est bon, Myriam ne devait pas s’inquiéter pour le moment. Je décidais tout de même de lui envoyer un texto pour lui dire que j’allais bien et qu’elle ne devait pas s’inquiéter.

Je baissais la tête et tapais un rapide message sur mon téléphone : « J’ai rencontré une fille sympa, je vais surement passer le reste de l’après-midi avec elle. Alors ne t’inquiète pas. Je t’appelle quand je suis en route pour l’appart. Bisous ;p ». Et hop, envoyé ! C’était bon. Je pouvais être sûre que ma tante me laisserait tranquille. J’attendis une seconde histoire d’avoir l’accusé de réception et rangeais mon portable dans ma poche puis relevais la tête. Je laissais échapper un petit cri de surprise quand, en relevant la tête, je tombais sur un magnifique manoir juste devant moi.

Thais donnait un peu l’impression que jamais personne ne venait chez elle. En même temps pour un vampire ça doit être rare d’inviter des gens. C’est vrai quoi, je vois mal un vampire dire à quelqu’un « ouais on s’appelle on s’fait une bouffe ». Je ris en imaginant ces mots sortir de la bouche de Thais. N’empêche, d’un autre côté, un vampire, en 300 ans à le temps de se faire des relations. Oh et puis je ne sais pas, faudrait vraiment que j’arrête de me faire des films dans ma tête et de rire toute seule comme une conne.

Arrêtant de penser des trucs débiles, je posais une nouvelle fois mon regard sur la maison démesurément grande pour une personne seule. Je ne pouvais en aucun cas dire de quel siècle il venait ou quelle était son style d’architecture ou ce genre de trucs. Tout ce que je pouvais dire c’est qu’il était vraiment magnifique. Quand je pense qu’elle vivait seule dans ce manoir. On aurait plutôt dit un château oui ! On devait arriver par l’arrière de la maison. Et le jardin était plutôt cool quand même. Il y avait ce qui ressemblait à un puits, il y avait des fleurs, une espèce de bassin et puis c’était sans parler de la forêt qui entourait le tout. C’était vraiment magnifique. Je n’arrivais pas à croire qu’elle habitait là.

Thais – qui était restée à côté de moi durant tout le trajet- passa devant moi comme pour me guider. Je la suivais dans le jardin gigantesque tout en trainant encore plus que lorsque nous étions en plein milieu de la forêt. Je ne pouvais m’empêcher de regarder tous les coins du jardin et d’observer de haut en bas la gigantesque maison de Thais. Elle ouvrit la baie vitrée et m’invita à rentrer dans sa maison d’un geste de la main. J’observais une seconde l’entrée et mis le pied dans le manoir.

« J’dois envoyer un texto à ma tante » Me dit Keila alors que nous approchions de mon manoir. « Elle est du genre à s’inquiéter pour un rien et s’énerver quand je ne donne pas de nouvelle. » Je ne répondis pas, la laissant envoyer un message à sa tante. J’ignorais si cette dernière était au courant des dons de Keila, mais que ça soit le cas ou pas, je doutais qu’elle allait lui raconter qu’elle s’apprêtait à aller se balader chez un vampire. Nous n’étions pas vraiment dotés d’une très bonne réputation : sanguinaires, cruels, imprévisible… Tout ça à cause de quelques énergumènes qui étaient incapable de se contrôler, ou se complaisaient dans leurs continuels bains de sang. Oh, je ne dis pas que nous ne sommes pas dangereux, non, non. Seulement nous sommes civilisés, il ne faut pas croire. Enfin, certains d’entre nous en tout cas, et dans certaines conditions. Prenez moi par exemple. Si vous êtes agréable avec moi, vous n’aurez pas de problèmes par contre, si vous avez le malheur de me taper sur les nerfs ou de me donner une raison d’avoir une dent contre vous, alors au diable les politesses, je sortais les crocs et mon ennemi en sortait rarement indemne. Mais dans le cas de Keila, je n’avais absolument aucune raison de m’en prendre à elle, elle n’avait donc pas lieu de s’inquiéter.

Concentrée sur son téléphone, Keila ne releva la tête que lorsque nous nous trouvions face à ma demeure, et elle laissa échapper un petit cri de surprise quand elle releva la tête pour découvrir ma maison. Je ne pu retenir un petit rire devant sa réaction. « C’est… magnifique » complimenta-t-elle, visiblement étonnée. « T’habites seule dans ce… palace ? » demanda-t-elle ensuite. « Eh oui. Enfin, ma meilleure amie y habite avec moi, quand elle est dans le coin. Mais elle est souvent partie à droite à gauche donc en ce moment, oui, j’habite seule ici. » Répondis-je. A partir du moment ou Samara était dans le coin, vous pouviez être sur qu’il y avait de l’animation dans le manoir mais seule, je voyais mal ce que je pourrais faire de bien intéressant. Mais cela me convenait. Beaucoup de femmes craindraient de vivre seules dans un endroit pareil, à l’écart de tout. Cambrioleurs, tueurs en série… On pouvait vite devenir parano. Mais je n’étais pas vraiment ce qu’on peut qualifier de femme ordinaire, et j’avais mes propres moyens pour protéger mon manoir, même quand je n’étais pas là. Cela devait être efficace d’ailleurs car jamais je n’avais eu de problème à déplorer dans ma propriété.

Je fis signe à Keila de me suivre, et l’entrainais à travers le jardin jusqu’à la maison, entrant par la baie vitrée. L’intérieur de la maison était un peu… comme moi. Un mélange d’ancien et moderne, qui s’accordait de manière plutôt harmonieuse. On pouvait y trouver des tas de choses que j’avais dégotée au cours de mes divers voyages à travers le monde, sans pour autant avoir l’impression de se retrouver au milieu d’une boutique d’antiquité. Je n’aimais pas les décorations trop chargées de toute façon. Traversant le salon, je rejoins l’entrée afin d’accéder aux escaliers de marbre pour l’entrainer à l’étage. Le amnoir comptait de nombreuses chambres, mais également une vaste bibliothèque, dans laquelle je pénétrais avec Keila. Bien entendu, je ne rangeais pas les ouvrages les plus… importants, dangereux, dans une partie de la maison aussi facile d’accès, mais dans cette pièce se trouvaient de nombreux romans et autres livres banals… Et également une grande étagère de livres dédiés à la magie. Elle commençait d’ailleurs légèrement à déborder, il faudrait que je trouve le moyen d’arranger ce problème. « Eh voilà, tu trouvera peut être ton bonheur là dedans. » Dis-je à Keila en désignant la bibliothèque. « C’est un peu le bazar, mais on va bien réussir à trouver quelque chose dans tout ça.. » Ajoutai-je, parcourant l’étagère des yeux. « Tu n’as qu’à jeter un coup d’œil pendant que je vais chercher quelque chose à boire ? Tu veux quoi, café, thé, eau, jus de fruit… ? » Proposai-je. J’avais beau être un vampire, ce n’est pas de sang que mon frigo était rempli - ça, je le conservais à l’abri des fouineurs, dans mon sous sol. J’aimais manger et boire normalement - j’étais d’ailleurs une accro au café et au chocolat - et était, étonnamment, un as des fourneaux. J’attendis la réponse de Keila, de sorte qu’elle puisse commencer ses recherche bien confortablement assise dans l’un des fauteuils pendant que je descendrai à la cuisine. Je n’en aurais pas pour long, mais bon.

Je me demandais qui pouvait bien être sa meilleure amie. Attention je ne veux pas dire qu’on ne peut pas être amie avec Thais hein ! Faut pas mal interpréter ce que je dis. Je suis juste curieuse. Ça devait un autre vampire, ou peut-être une sorcière. Aucune chance que ce soit un loup-garou en revanche. Thais devait un peu s’ennuyer quand même, seule dans cette grande maison. Ça doit être sympa quelques temps, mais bon au bout d’un moment ça doit vraiment finir par être soulant. Je n’aimerais pas vivre dans un manoir aussi grand toute seule. J’aurais trop peur. Je suis un peu du genre parano. Au moindre bruit je pourrais penser qu’il y a un fantôme qui hante la maison –hé ne riez pas, ça peut arriver ce genre de chose- ou alors que quelqu’un est entré par effraction et veuille m’enlever. Fin bref, je me ferais encore plus de films qu’en temps normal quoi. Bon ok Thais était un vampire, elle n’avait pas trop de souci à se faire de ce coté là, mais bon, tout le monde n’est pas vampire hein.

La maison – enfin le manoir je veux dire- de Thais était vraiment magnifique. La décoration n’était ni trop kitch, ni trop moderne ni trop vieux, ni trop chargée, bref je ne vais pas faire un dessin non plus. On devait être dans un salon d’hiver, ou alors un salon tout court. Il y avait des bibelots de part et d’autres de la pièce. Je reconnus deux ou trois tableaux accrochés au mur. Je ne pouvais m’empêchait de regarder chaque coin de la pièce. Personnellement je ne me voyais pas vivre dans ce genre d’endroit. Près de la forêt ok, mais pas dans un aussi grand espace pour moi toute seule. Même avec un mari et des enfants je trouvais ça trop. Mais bon avec 300 ans et des poussières d’existence on devait certainement avoir des choses à entasser. Je me voyais bien habiter dans un petit cottage dans un endroit près de la nature mais aussi de la ville. Je ne voulais pas être à l’écart du monde non plus. Mais bon, le jour où j’aurais ma propre maison n’est pas encore arrivé hein, ce n’est pas pour demain la veille. Quoi qu’il en soit, l’intérieur du manoir était aussi beau que l’extérieur.

Sans s’arrêter, Thais traversa le salon et m’incita à la suivre à l’étage. L’endroit où elle gardait ses grimoires devait être en haut. Détachant mon regard de la décoration du salon je montais à sa suite les escaliers imposants. Je n’étais pas douée pour reconnaitre les matières ou ce genre de trucs, mais cet escalier était vraiment imposant. Trop à mon goût mais bon, chacun son style hein. Et puis façon ce ne sont que des escaliers, ce n’est pas non plus la chose la plus importante dans une maison quand même.

Je rentrais à sa suite dans la bibliothèque. Elle était tellement grande qu’on aurait presque dit une bibliothèque municipale. J’adorais vraiment les livres, je rêvais d’avoir une grande bibliothèque remplie de tonnes de livres. D’ailleurs j’adorais les scènes de films qui se passaient dans les bibliothèques. Bon, je n’avais pas énormément de livres non plus, et cette pièce était vraiment très grande –trop grande ?- mais bon, je n’avais pas à me plaindre. Je n’avais pas imaginé qu’il y aurait autant de livres mais bon, au moins j’aurais de quoi lire et puis je pouvais être sure de trouver des informations.

Je m’avançais doucement vers l’étagère du fond, j’allais peut-être enfin apprendre des choses sur moi, sur mon don, sur le pourquoi du comment. Je me sentais déjà enthousiaste rien qu’à l’idée de ne plus me soucier de l’origine et du but de ce don que j’avais.

Je m’approchais de l’étagère et regardait la tranche des livres. Il n’y avait rien d’écrire. Soudain je me rappelais que c’étaient des grimoires. Les sorcières n’allaient pas écrire « Grimoire de la famille Untel de telle année à telle année ». Je décidais de prendre les trois premiers grimoires posés sur l’étagère qui était à ma portée. Je m’installais dans un fauteuil, mis un des livres sur mes genoux et posait les deux autres sur une table qui se trouvais à côté du fauteuil. J’ouvris le grimoire et commençais à regarder le contenu. Il y avait pas mal d’illustrations. La plupart était plutôt du genre flippantes. Ça montrait des démons et des sortes de monstres difformes. J’espérais que ça n’allait pas être comme ça dans tous les grimoires. Je feuilletais les pages puis soudain fermais le grimoire. Comment étais-je censée trouver quoi que ce soit dans tout ça ? Je ne savais pas par où commencer. J’aimais avoir une idée de ce que j’étais en train de lire, de savoir ce que contenais le livre avant que je ne l’ouvre. J’aimais savoir pourquoi j’ouvrais tel ou tel livre. Et là, face à tous ces livres je me sentais… perdue. Je respirais un grand coup et rouvris le livre à la page où je m’étais arrêtée.

Beaucoup auraient trouvé cette maison trop grande, surtout pour une seule personne mais… Je m’y plaisais. Bien située pour moi, j’avais de l’espace pour entasser tout mon bazar collecté au fil des trois derniers siècles, Je n’étais pourtant pas une accro du luxe, j’avais été élevée très simplement. Une petite maison, pas énormément d’argent surtout qu’il n’y avait que ma mère et moi, rien d’inutile ou de superflu… Mais voilà, dans une maison de la taille de celle ou j’avais grandi, j’aurais bien du mal à entasser mon bazar, rien que ma collection personnelle de bouquins était bien trop conséquente pour une maison « normale ». Je n’avais pas seulement des grimoires et autres livres sur la sorcellerie, non, j’avais également des tas de romans, dont certains dans des éditions très anciennes - elles ne m’avaient pas couté un prix exorbitant lorsque je les avais acheté, mais certaines de ces éditions originales valaient aujourd’hui un bon paquet d’argent. Et les livres n’étaient pas les seuls objets que mon manoir renfermait en grand nombre, car mon dressing était lui aussi bien rempli. J’adorais conserver des choses, des souvenirs… C’était plus fort que moi, j’avais beaucoup de mal à me débarrasser de mes affaires.

Enfin, dans cette maison rempli de beaucoup de choses inutiles, j’avais quand même des choses utiles, comme de quoi grignoter et de quoi boire. J’avais donc proposé à Keila de lui ramener de quoi se désaltérer pendant qu’elle faisait ses petites recherches sur les mediums. « Euh d’accord. Je voudrais bien un thé s’il-te-plait. » Me répondit Keila. Je tournais donc les talons, la laissant à la bibliothèque et descendis à la cuisine où je préparais un thé pour Keila et un café pour moi. Je chargeais le tout sur le plateau, accompagné de quelques gâteaux au cas où Keila souhaiterai grignoter, et remontais pour la trouver assise dans un fauteuil, de totue évidence quelque peu découragée et un peu perdue. Et même temps, ce genre de bouquin n’était pas fourni avec un petit résumé sur la quatrième de couverture et un sommaire détaillé au début il était donc facile de s’y perdre. Je posais le plateau sur une petite table entre les deux fauteuils et demandai « Tu veux un coup de main peut être ? » Rien que l’expression de son visage en disait long, je ferais donc bien de lui donner un coup de main. Je ne connaissais pas par cœur le contenu de chaque livre, même si j’avais une bonne mémoire il était facile de s’y perdre, mais j’avais un moyen infaillible de trouver des livres sur le sujet que l’on souhaitait étudier. Je me plaçais donc face à l’étagère, la parcourant rapidement du regard. Nous voulions en savoir plus sur les mediums, je me concentrai donc sur ce sujet particulier quelques instants plus tard, un livre s’échappa de lui-même de l’étagère pour atterrir à la vitesse de l’éclair dans ma main droite. Un instant plus tard, je saisi un deuxième livre qui avait prit le même chemin de ma main gauche. Je souris légèrement. Ce n’était pas un sortilège compliqué, mais rien que le fait d’utiliser la magie pour quelque chose d’aussi simple me satisfaisait. Après tout, j’étais née sorcière, pas vampire. Cela me permettait de renouer avec ce que j’étais réellement.

« Et voilà, tu devrais trouver de quoi te renseigner la dedans. » Dis-je à Keila en lui tendant l’un des deux livres - celui que je savais qu’il contenait les choses les moins… flippantes. J’allais ensuite m’asseoir dans le fauteuil à côté du sien. « Oh et s’il te plait, ne parle à personne de ce que tu viens de me voir faire. Je suis pas sensée pouvoir utiliser la magie, donc le moins de personnes le sauront, le mieux je me porterai. » Ajoutai-je.µ De nombreuses personnes pourraient convoiter - et convoitaient déjà d’ailleurs - les pouvoirs renfermés par mon collier si bien que j’aimais autant que le moins de personne possible ne le sache. Bon, elle ignorait à quel point le pouvoirs renfermés par ce médaillon pouvaient être puissants, mais quand même. Rien que le fait qu’un vampire puisse utiliser la magie attirerait la curiosité de pas mal de gens mal intentionnés. Enfin, revenons en à nos moutons - ou plutôt à nos mediums. J’ouvris le livre qui se trouvait sur mes genoux et commençait à le parcourir, cherchant quoi que ce soit d’interessant concernant les mediums, mais mon esprit était ailleurs. Je ne cessais de penser à l’aide que pourrait m’apporter Keila concernant Beau si seulement elle pouvait maitriser ses pouvoirs. Grace à elle, peut être pourrai-je savoir qui il était vraiment, ce qu’il voulait, ou comment inverser le sort qui touchait Malin… Seulement voilà, si je voulais qu’elle puisse me venir en aide, il fallait d’abord qu’elle trouve le moyen de contrôler ses pouvoirs. Et il fallait donc que je trouve des informations dans ces fichus bouquins.

Je parcouru les pages du livre que j’avais entre les mains sans grande détermination cette fois. Comment trouver une information dans… tout ça ? Il fallait peut-être que j’essaie de me concentrer sur le livre pour avoir une vision et peut-être que comme ça je saurais s’il y a des informations dedans ou non ? Non mais qu’est ce que je dis ? Je n’ai jamais eu de vision sur commande, ce n’est pas aujourd’hui que ça va arriver. Mon esprit s’embrouillait. C’était comme dans les dessins animés, quand on voit un petit ange d’un côté et un diable de l’autre, qui vous parlent et vous disent quoi faire. L’ange me disait « tu peux y arriver, concentre toi et ça ira » tandis que le diable lui, susurrait « pourquoi t’y arriverait ? Tu n’es qu’une incapable, une ignorante. Pose ce livre et rentre chez toi, tu ne trouveras rien ici ». Et j’étais sérieusement tentée par la proposition de mon petit diablotin. Waouh, j’avais vraiment l’impression d’être folle ! Ce n’est pas croyable ! Je me parle à moi-même, dans ma tête et j’imagine des personnages de dessin animé ! Je secouais la tête et fermai le livre violemment. J’avais une étrange impression, comme si… je ne sais pas.
Thais entra soudain dans la pièce –enfin, elle apparut devant moi, je ne l’avais même pas vu entrer- et posa un plateau avec des tasses et des gâteaux sur un des guéridons. Je murmurais un « merci » d’un ton assez dépité, trop dépité à mon goût.

Je posais les livres que j’avais pris au hasard à côté de moi et regardais la jeune femme se poster devant la bibliothèque qu’elle m’avait indiquée peu auparavant. Elle parcouru les étagères du regard, elle semblait si concentrée. Je l’observais, étant intriguée et amusée à la fois. Est-ce qu’elle était en train de faire de la magie ? Après tout elle avait bien dit qu’elle était une sorcière, enfin avant sa transformation. Elle tendit ses mains légèrement en avant. Soudain un livre jaillit de la bibliothèque et arrivai dans la main de Thais. La même chose se produisit avec un autre livre. Je n’en revenais pas. C’était vraiment cool n’empêche ; Tu veux un truc mais t’a la flemme de te lever ? Suffit de te concentrer et bam, le truc que tu veux t’arrive droit dans la main. Enfin, je suppose qu’il doit y avoir une sorte de « code » pour les sorciers. Genre ne pas utiliser trop leurs pouvoirs ; Ou les utiliser à des fins personnelles. Ce genre de trucs. Enfin c’est ce qu’on voit dans les films, ce n’est peut-être pas pareil dans « le monde réel » mais bon.

Je pris le livre que me tendais Thais et me mis à l’observer sous toutes les coutures. Ce n’était probablement pas le premier que j’aurai pris vu la couverture. Rien de choquant ou de terrifiant ou je ne sais quoi. C’est juste que la couverture était bizarre. On aurait dit que la couverture était d’un vert foncé fade, limite marronnasse. Et il y avait des sortes d’arabesques noires sur les coins. Le tout donnait une impression étrange. Mais bon après tout, s’il y avait des informations sur les médiums dedans, je n’allais pas me plaindre non plus. Ok j’aime les livres avec de belles couvertures – généralement avec des couleurs claires ou au moins pas fades- mais bon, le plus important c’est le contenu non ?

Je me demandais bien qui pouvait en vouloir à Thais, à tel point qu’elle préférait que personne ne sache rien d’elle. Enfin c’est l’impression qu’elle me donnait. Comme si elle voulait passer incognito, comme s’il y avait une grande menace de laquelle elle voulait se protéger. Ça pouvait être la réalité comme un film que je me faisais dans ma tête, en tout cas, Thais m’intriguait. Je me penchais légèrement en avant et attrapai la tasse de thé qui était sur le plateau. Je soufflai –ce n’était pas tellement chaud, mais c’était une habitude que j’avais prise, de souffler sur les aliments avant de les avaler, je m’étais brûlée tellement de fois que maintenant je faisais attention- et bu une gorgée. Je bus quelques nouvelles gorgées et reposais la tasse sur la table.
Je m’installais de nouveau confortablement dans le fauteuil et jetai un regard furtif à Thais. Elle était déjà en train de parcourir le second livre qui avait atterri dans sa main. J’ouvris le livre et fit de même. Je parcouru les pages en silence. Je ne voyais pas le temps passer, j’étais tellement passionnée par ma lecture. Je ne savais pas qu’on pouvait trouver les exploits de sorciers dans les grimoires. Je pensais qu’il n’y avait que des sorts ou des potions. Mais non ! Il y avait toutes sortes d’histoires racontant comment certains se servaient de leurs pouvoirs ou parlant de certaines périodes de l’histoire qui étaient connues de tous mais qui, ici, étaient racontées d’un autre point de vue. C’était vraiment fascinant. Soudain je fixai mon regard sur une des pages :

Je stoppais net ma lecture une seconde. Enfin, j’avais trouvé un passage qui mentionnait les mediums ! Un large sourire illumina mon visage. Bon bien sur, il n’y avais aucune réelle information mais c’était un début. N’empêche je ne comprenais pas vraiment de quoi parlait la femme qui avait écrit.

Je reposais mon regard sur la page et remarquais un léger détail. Un détail futile mais qui pourrait peut-être apporter plus d’informations. On sait jamais après tout non ?

Je n’eu même pas le temps de me lever pour montrer le passage du livre à Thais, qu’elle se trouvait déjà à mes côtés, penchée sur le livre. Il allait falloir que je m’habitue à cette vitesse « supersonique » de vampire, que sursauter à chaque fois ça le fait moyen.

« Cool, merci ! » répondis Keila, le sourire aux lèvres lorsque je lui tendis l’un des deux livres qui avaient atterris dans ma main quelques secondes plus tôt. « C’est sur que c’est plus facile comme ça ! » En effet, avec la magie c’était bien plus facile de trouver ce que l’ont cherchait. Les recherches duraient bien moins longtemps quand on était sur de trouver des information dans le bouquin. Je n’utilisais pas non plus la magie sans arrêt - mes pouvoirs de vampire étaient déjà bien suffisants - et jamais pour faire quoi que ce soit de mal avec. Les sorcières à qui ils avaient appartenu avaient accepté de me laisser l’accès à leur magie, ce n’était pas pour bafouer leur mémoire en m’en servant pour faire le mal. Et puis, j’aimais autant passer inaperçue car un bijou contenant autant de puissance avait le don d’attirer les ambitieux et les avides de pouvoirs. Personne n’avait encore réussi à me l’arracher mais j’aimais autant éviter une quelconque confrontation avec un vampire ou un sorcier ne se trouvant pas assez puissant. C’est pourquoi je demandai à Keila de ne parler de ce que je venais de faire à personne. « Euh ok, pas de problème » S’exclama-t-elle à nouveau, me gratifiant d’un nouveau sourire. « En même temps, je ne sais pas trop à qui je pourrais en parler. Dans tout les cas, je ne dirais rien, tu n’as pas de soucis à te faire » m’assura-t-elle ensuite.

Je n’aimais pas utiliser mes pouvoirs de vampire sans arrêt sur les humains, et je n’avais donc pas envie de modifier sa mémoire afin d’être sure qu’elle ne dise rien à qui que ce soit. Bien sur, cela aurait été plus sur, mais je devrais m’en tenir à sa parole, moins fiable, mais beaucoup plus « normal » que de forcer quelqu’un à faire ce qu’on lui dit en lui ôtant totalement son libre-arbitre. C’était peut être une erreur, mais c’était comme ça que je fonctionnais, au contraire de beaucoup de vampire que je connaissais et qui n’hésitaient pas à annihiler la volonté des humains pour parvenir à leurs fins. Bon, je n’irais pas jusqu’à dire que ça ne m’arrive jamais, ce serait mentir, mais comparé à mes confrères vampire, j’étais une petite joueuse. Et pourtant, nombre d’entre eux étaient morts, et moi j’étais toujours là. Je ne m’en tirais donc pas si mal. Ce n’était pourtant pas faute d’avoir des ennemis, ça je n’en manquais pas. Vampires, loups-garou, sorciers qui se dévouaient à faire le mal et dont j’avais contrecarré les plans et bien entendu, des chasseurs. J’avais beau tâcher de me faire discrète, j’avais toujours le don de me retrouver le nez droit dans les ennuis, alors à force, j’ai appris à m’en débrouiller.

Je me mis donc à lire - ou plutôt à survoler jusqu’à ce que mon regard ne tombe sur quelque chose d’intéressant - le livre que j’avais ouvert sur mes genoux, et Keila faisait de même. Ma tasse de café dans une main et l’autre me servant à tourner les pages, je parcourais l’ouvrage à la recherche d’un quelconque passage évoquant les médiums et leurs pouvoirs, comment les maitriser, les utiliser, interpréter ou provoquer leurs visions… Au fil des siècles, j’avais accumulé pas mal de savoir concernant la sorcellerie et le reste du monde surnaturel, mais je n’avais aucune connaissance concrète concernant les mediums, hormis ce que j’avais pu observer. Et cela ne me donnait pas d’indications sur la manière dont-ils utilisaient leurs pouvoirs. Je n’avais encore rien trouvé d’intéressant lorsque la voix de Keila me tira de ma lecture.

« Thais ? » Je relevais la tête vers elle. « C’est quoi un « cercle » ? Et des « chasseurs » ? Que je suis tombée sur un passage qui parle de médium, enfin vaguement, et je ne comprends pas tout ». Demanda-t-elle, avant de reporter son regard sur le livre. « Tiens, c’est en 1864 » Sans un mot je me levais et me retrouvais près d’elle, penchée par-dessus son épaule afin de voir de quel livre elle me parlait. « Tu sais peut-être de qui il s’agit ? » Ce livre m’avait été offert par une sorcière à qui j’avais sauvé la vie il y a déjà plus de deux siècles - que le temps passe vite ! Je n’avais jamais vraiment pris la peine de parcourir ce livre dans le détail. Je ne sauvais pas les sorciers pour que l’on me fasse des cadeaux, ce n’était pas mon genre. J’avais simplement horreur de voir des sorciers mourir encore et toujours aux mains des chasseurs. « Je me souviens d’à qui ce livre appartenait, mais c’est pas important ça. » répondis-je. J’allais me rasseoir sur mon fauteil, et dit donc : « Pour répondre à ta question, les cercles sont constitués de sorciers. Six sorciers, pour être précise. Chaque sorcier possède ses propres pouvoirs mais une fois un cercle lié, ils ne peuvent plus utiliser leurs pouvoirs seuls. Ca a ses avantages, comme ses inconvénients. Un cercle lié est plus puissant, mais si tu es seul et a un problème, tu ne peux plus te servir de tes pouvoirs. » Expliquai-je. « Et concernant les chasseurs… Ils chassent les êtres surnaturels depuis la nuit des temps. Tu as déjà entendu parler des procès de Salem ? Beaucoup font passer ça pour un épisode d’hystérie collective, mais au milieu de tout ça, il y avait de vrais chasseurs, qui savaient pertinemment ce qu’ils faisaient. » Ajoutai-je. J’étais bien placée pour le savoir, ayant moi-même vécu cette sombre période. J’avais été transformée en plein pendant les procès de Salem, personne ne s’étant inquiété de ne pas retrouver mon corps au milieu de l’hystérie qui régnait à Salem.